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Défis liés aux droits à la santé

Par Dr. NGODI Etanislas

Le secteur de la santé en République du Congo traverses d’énormes difficultés: insuffisance du budget pour pour répondre aux besoins des populations marginalisées, la vétusté des infrastructures, les insuffisances matérielles et la qualité du personnel, les ruptures des médicaments, en particulier ceux destinés aux personnes séropositives (anti-retroviraux) et d’autres dysfonctionnements qui semblent compromettre la réalisation du droit à la santé.
Analyse du cadre juridique et légal
La République du Congo a ratifié plusieurs textes juridiques au niveau international et régional. Ces instruments abordent le droit à la santé de manière différente. Certains instruments sont d’application générale, alors que d’autres visent des droits fondamentaux des groupes particuliers, comme les femmes et les enfants. Les textes internationaux relatifs aux droits de l’homme reconnaissant le droit à la santé sont: (i)-la Convention internationale de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art.5); (ii)-le Pacte international de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art.12); (iii)-la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (art.11, 12 et 14); (iv)-la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant (art.24); (v)-la Convention internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art.28, 43 et 45) et (vi)-la Convention de 2006 relative aux droits des personnes handicapées (art.25).
Au niveau régional, on peut citer la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1982 et le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes de 2003.
Il existe un arsenal juridique important concernant les droits humains au niveau national. Au-delà de la Constitution du 25 octobre 2015 qui fait de l’État, le principal responsable de la santé publique (art. 36), le pays dispose de plusieurs textes juridiques: (i)-la loi 009-88 du 23 mai 1988 instituant un Code de déontologie des professions de la santé et des affaires sociales; (ii)-la loi n°4-2010 du 14 juin 2010 portant protection de l’enfant en République du Congo; (iii)-la loi n°5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des populations autochtones en République du Congo; (iv)-la loi n°30-2011 du 3 juin 2011 portant lutte contre le VIH/SIDA et protection des droits des personnes vivant avec le VIH; (v)-la loi Mouebara n°19-2022 du 4 mai 2022 portant lutte contre les violences faites aux femmes.
L’application des dispositions juridiques en vigueur sur le terrain semble compromise. Si certaines paraissent caduques, d’autres manquent de textes d’application.

Environnement et droits à la santé
Au niveau des politiques, les observateurs notent une amélioration de l’environnement juridique et politique grâce à l’adoption de plusieurs mesures, notamment: l’adoption et promulgation des textes juridiques, la mise en place des institutions et de l’activisme des organisations de la société civile oeuvrant dans les droits humains.
À défaut d’études et de statistiques officielles sur les violations des droits humains liés à la santé, et compte-tenu de l’insuffisance des mécanismes de redevabilité, il est difficile de peindre un tableau complet sur les dysfonctionnements des services de santé. Toutefois, des articles de presse, des témoignages publics et privés et des prises de parole des acteurs de la société civile donnent un aperçu des drames engendrés ces dernières années. D’où la nécessité de collecter les données probantes basées sur les évidences de plaidoyer. Des populations clés (HSH, Transgenre, PS) sont très souvent victimes de discriminations et de violences basées sur l’orientation sexuelle, qui les maintiennent dans la clandestinité et augmentent le risque de transmission du VIH.


Les obligations en matière de droit à la santé
Le droit à la santé garantit des droits suivants: (i)-le droit à un système de protection à la santé, offrant à tous la possibilité de bénéficier du meilleur état de santé possible; (ii)-le droit à la prévention et au traitement ainsi qu’à la lutte contre les maladies; (iii)-l’accès aux médicaments essentiels; (vi)-la santé maternelle, infantile et procréative; (v)-un accès égal et en temps voulu aux services de santé de base; (vi)-la participation de la population aux processus de prise de décision sur les questions de santé au niveau national et communautaire. (1). Tous ces principes sont loin d’être respectés en République du Congo.
Les services de santé, les biens et les infrastructures doivent être accessibles à tous sans discrimination. Ils doivent aussi être disponibles, acceptables et de bonne qualité.
L’analyse du fonctionnement des établissements publics de santé démontre d’importants problèmes encore non résolus, malgré les demandes répétées du personnel et des syndicats: le personnel délaissé et le non-paiement des salaires et des perdiems des agents de santé communautaire; la difficulté des autorités congolaises à mettre en œuvre le droit à la santé et à remplir les critères de qualité et de disponibilité dans le pays; les fréquentes pénuries de médicaments essentiels génériques et la qualité de ces derniers…
Le pays fait face au défi de renforcer le niveau de participation communautaire dans le système de santé. L’inexécution partielle des différents projets d’amélioration du système de santé, pourtant budgétés, est une démonstration des efforts insignifiants des autorités pour renforcer la jouissance du droit à la santé. (2)

Gratuité des médicaments, une utopie?
La gratuité au regard du Décret n°2000-128 du 23 juin 2008 instituant un régime de gratuité pour la prise en charge du traitement antipaludique, antituberculeux et des personnes vivant avec le VIH prend en compte les antirétroviraux et le bilan d’inclusion et de suivi biologique périodique (3). Selon l’article 26 de la loi du 3 juin 2011 « les personnes vivant avec le VIH ont un accès gratuit aux services de santé, y compris l’accès aux ARV et la prise en charge des maladies opportunistes. Ces services de santé incluent les traitements palliatifs et les soins de prise en charge de la douleur et des autres symptômes associés au SIDA». Dans la pratique, c’est un bilan a minima, seulement dans quelques centres de prise en charge.
Plusieurs problèmes entravent l’effectivité de la mise en œuvre de la politique de gratuité en particulier: le déficit de communication, la discontinuité de l’offre des services de prise en charge du fait des ruptures intempestives de médicaments, la vente illicite des médicaments et le phénomène de la corruption, l’absence de contrôle et de sanctions des agents véreux, le manque de motivation et l’insatisfaction du personnel de santé ainsi que le problème d’accès aux documents et autres données officielles et à l’information.
Très peu de formations sanitaires ne dispensent gratuitement des soins aux enfants. Pourtant, l’article 26 de la loi du 4 juin 2010 portant protection de l’enfant garantit le « droit à la préservation de sa santé et à des soins de qualité en toute circonstance ».

Références
1-OMS, Le droit à la santé. Fiche n°31, octobre 2009, p.4.
2-Amnesty International, Sur le dos de la crise. Violations du droit à la santé et répression des défenseurs des droits économiques et sociaux en République du Congo, 2021.
3-L’article premier de ce décret dispose: “ II est institué un régime de gratuité pour la prise en charge du traitement antipaludique, antituberculeux et des personnes vivant avec le VIH/SIDA Ce régime de gratuité s’applique: (i)-à la consultation, aux examens biologiques et aux médicaments antipaludéens chez les femmes enceintes et les enfants de 0 à 15 ans atteints du paludisme; (ii)-à la consultation, aux examens biologiques et aux médicaments antituberculeux chez les malades atteints de la tuberculose; (iii)-aux examens biologiques et aux médicaments antirétroviraux chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA

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