ARTICLE DE BLOG
FOCUS SUR LES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME DE SANTÉ EN RÉPUBLIQUE DU CONGO
Par M. MADILA Crépin
La collecte, le traitement, l’analyse des données probantes et la diffusion des informations sur les dysfonctionnements des services de santé et les violations des droits humains dans les formations sanitaires en vue d’orienter la prise de décisions correctives figurent parmi les missions du bulletin Échos de droits humains. Dans cet article, l’accent est mis sur les données collectées sur le terrain par les membres de l’organisation en 2023.
La lutte contre le paludisme
La charge épidémiologique du paludisme est très importante dans le système de soins au Congo. En 2022, elle constituait la première cause de consultation (52%) et de mortalité (22%). En dépit de la disponibilité des tests de diagnostic rapide (TDR) du paludisme, des cas de ruptures de TDR et médicaments de gratuité pour les enfants de 0-14 ans et femmes enceintes ont été observés dans plusieurs formations sanitaires au cours de l’année 2023. Ces ruptures sont liées aux problèmes de logistique, de dotations insuffisantes et les retards d’approvisionnement et/ou d’acheminement. Les usagers de santé ont fait état de la réticence des chefs de centre à l’égard des agents de santé communautaire (préjugés, manque de confiance, quantité insuffisante.), les ruptures fréquentes d’ACT (1), du fait des quantités insuffisantes des dotations reçues, le non renouvellement des stocks…
Dans certaines zones, notamment rurales (Mossaka, Kimba, Mayeye), des situations de non disponibilité des sulfadoxine pyriméthamine pour les femmes enceintes, lors des CPN ont été signalés. Enfin, les répondants ont reconnu une forte couverture des MILDA pour les femmes enceintes. (2)
La Lutte anti vectorielle (LAV) s’impose comme stratégie essentielle de la lutte contre le paludisme. Elle passe par l’intensification des interventions relatives aux campagnes de masse et routine des MILDA, les actions d’IEC au niveau communautaire en vue du changement social et comportemental, la surveillance entomologique et l’élimination des obstacles liés aux droits humains et au genre entravant l’accès des poulations aux programmes de LAV. (3)
Les dysfonctionnements sur la tuberculose
La quasi-totalité des sites de prise en charge de la tuberculose disposent des des réactifs de GeneXpert. (4) Il en est de même pour les autres appareils comme le microscope à crachat BAAR. Les dysfonctionnements constatés dans l’accès des malades aux services semblent être liés au manque de réactifs et de techniciens de laboratoire. La recherche des cas contacts n’est pas toujours effective dans certains centres anti-tuberculeux (CAT), faute de moyens financiers, du manque de personnel qualifié et des moyens de déplacement sur le terrain. Des agents de santé communautaire utilisent les téléphones et les visites à domicile pour y remédier.
Au sujet de l’organisation des séances d’éducation thérapeutiques, un peu plus des deux tiers des agents de santé interrogés, soit 68,6%, ont affirmé que leur structure de santé organise ces activités au profit de leurs patients TB contre 31,4% (38 agents) qui ont affirmé le contraire.
Près de 69,4% des répondants ont affirmé l’existence d’une flotte téléphonique dans leurs formations sanitaires. Des cas de rupture de cotrimoxazole ont été signalés.
Les dysfonctionnements liés à la prise en charge du VIH
Plusieurs répondants ont noté la disponibilité des tests de dépistage VIH dans leurs formations sanitaires. Quelques cas de ruptures dues au retard de livraison, le manque de dotation et la quantité insuffisante des tests de dépistage VIH reçues ont été signalés. Concernant la disponibilité des anti-rétroviraux (ARV), une très faible proportion des agents de santé avait signalé des cas de rupture.
S’agissant de la mise sous isoniazide des enfants des parents TB confirmés, près de 59, 1% des répondants ont noté la dispensation de ces soins. Il a été tout de même fait état des situations de rupture de stock, le refus catégorique des parents et l’éloignement du lieu de résidence .
Au sujet de la mise sous ARV des patients TB+ testés positifs au VIH, 67,8% des usagers de service de santé interrogés ont affirmé que cette disposition est souvent respectée. Les formations sanitaires qui ne mettent pas les patients TB+ sous ARV sont en grande partie celles qui ne sont pas concernées par la prise en charge des PVVIH.
Près de 69,3% des répondants ont confirmé l’utilisation de la fiche d’observance thérapeutique du patient dans leurs formations sanitaires. Par contre, 71% ont confirmé l’inexistence d’un appareil de charge virale voire d’un appareil de dosage des CD4 dans leurs structures de santé. Quant à la réalisation du test de charge virale, 90% des agents de santé interrogés ont indiqué dispenser ses soins au sein de leurs structures. Des cas de dysfonctionnements ont été notés en ce qui concerne la mise sous ARV et cotrimoxazole des patients VIH+; la tenue des séances d’éducation thérapeutique et la réalisation du test de dépistage TB chez les PVVIH.
Les es dysfonctionnements liés au respects des droits de l’Homme
Il a été relevé sur le terrain que très peu d’agents de santé disposent d’une expérience avérée sur les droits humains. La plupart des répondants (79%) ont reconnu l’inexistence d’un mécanisme de recueil des plaintes des patients au sein de leurs formations sanitaires.
Au regard de ce qui précède, il convient que l’’accès des populations aux soins de santé de qualité demeure un enjeu majeur, afin de couvrir les lacunes substantielles sur le taux de couverture de traitement (antirétroviraux, chimioprophylaxie du paludisme, antibiotiques antituberculeux etc.) et sur les taux de dépistage et de diagnostic (goutte épaisse, crachat, PCR, tests de diagnostic rapide, …). L’amélioration de l’état de santé des populations passe par une meilleure gouvernance du système de santé, le renforcement du système d’approvisionnement et d’information sanitaire et surtout l’augmentation du financement alloué à la santé.