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OBSTACLES LIES AUX DROITS HUMAINS ET GENRE

ARTICLE DE BLOG

OBSTACLES LIES AUX DROITS HUMAINS ET GENRE

Par Dr DJEMBO Ornael Mikael

Cet article résume les principaux obstacles liés aux droits humains et au genre dans l’accès aux services VIH et Tuberculose, analysés dans les cadres stratégiques nationaux de lutte contre le VIH et la tuberculose 2024 – 2028 (1)

Analyse des obstacles dans l’accès aux services VIH

L’analyse de la prise en compte, des réalisations et des progrès en matière de Genre a été faite en tenant compte de l’outil de l’ONU SIDA. Cet outil  structure l’analyse autour de six points que sont :

(i)-Les aspects épidémiologiques et considérations dans la réponse nationale au VIH. Les données épidémiologiques qui montrent une prévalence de 3.8% avec une prédominance féminine (3,3% chez les adolescentes et jeunes femmes de 15-24 ans) et un profil épidémiologique inchangé dans son allure. (2) Sur le plan évolutif, on note que le nombre de Personnes vivant avec le VIH chez les hommes et les femmes connait une augmentation régulière. On note que le nombre de femmes vivant avec le VIH demeure presque le double de celui des hommes. Des facteurs de vulnérabilité et des risques liés à l’orientation sexuelle des populations clés, nécessite des actions de plaidoyer pour l’amélioration de l’environnement juridique. (3)

(ii)-Les facteurs socioéconomiques et la participation significative. Ils se caractérisent par la persistance de certaines normes sociales qui peuvent contribuer à accroître la transmission du VIH (polygamie, lévirat/ sororat et considérations liées à la masculinité et la féminité); la relation de masculinité avec un faible pouvoir de la femme pour la négociation et le choix du port du préservatif; la recrudescence des cas de violences sexuelles, la stigmatisation ainsi que la discrimination à l’endroit des populations clés, (professionnels de sexe, lesbiennes et ados et jeunes) ; le manque de subventions pour certaines organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la lutte contre le VIH et les droits des minorités sexuelles et de genre.

(iii)-Les politiques. Elles ont été surtout marquées par une légère amélioration de l’environnement juridique et grâce à l’adoption de plusieurs mesures, notamment l’adoption et promulgation des lois, décrets et la mise en place des institutions constitutionnelles et programmes nationaux. Il est à noter des lacunes diverses, notamment: l’existence de deux codes contradictoires traitant de la famille : (Code pénal et le Code de la famille); la non opérationnalité du décret présidentiel n°2008/ 128 du 28 juin 2008 portant gratuité du dépistage du traitement, bilan du suivi biologique et de la prise en charge des PVVIH et la récurrence des cas de discriminations, violences basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

(iv)-La coordination de la mise en œuvre de la Politique Nationale Genre. est assurée par le ministère en charge de la femme. Les Unités de Lutte contre le SIDA ne fonctionnent plus certes, mais restent des opportunités pour régler les obstacles liés au genre et aux droits humains qui entravent l’accès aux services du VIH dans le secteur public. Enfin, il n’existe pas de groupe de travail Genre et droits humains et violences basées sur le genre au niveau des programmes VIH et Tuberculose, du CCM et du CNLS.

(v)-L’intégration de l’égalité du genre dans les documents nationaux d’orientation. Les analyses de risques d’impacts sur les femmes et les filles dans le contexte du VIH n’ont jamais été réalisées. Ainsi, le cadre de résultat ne renferme pas des indicateurs de résultats standards sur l’égalité des sexes pour mieux comprendre les facteurs socioculturels, économiques et épidémiologiques contribuant aux risques et à la vulnérabilité des femmes et des filles face au VIH.

Enfin, il n’existe pas de programme de formations continue pour la sensibilisation sur le genre, les droits humains, les Violences basées sur le genre et les pratiques discriminatoires à l’endroit des PVVIH, des populations clés et autres groupes vulnérables.

(vi)-les aspects financiers en lien avec le genre représentaient 2,3% du budget total du CSN (1 398 811 890/ 52 110 722 554 FCFA). En termes de proportion, la part du genre dans le budget annuel est décroissante passant de 16,74% en 2018 à 2,03 % en 2022. Au cours de la période 2019-2022, la mobilisation des ressources a été insuffisante. Du fait du contexte de la Covid-19, de la réduction des financements, notamment de celui de l’État, et du retard dans le démarrage des subventions du Fonds mondial, les interventions n’ont pas été mises en œuvre en totalité:

Analyse des obstacles dans l’accès aux services de tuberculose

La Tuberculose est reconnue au niveau mondial comme un problème de santé publique. Les dernières estimations de l’OMS ainsi que la dernière revue externe du programme signalent un taux d’incidence de la Tuberculose au Congo estimé par à 370 (231-542) cas pour 100 000 habitants soit 22 000 cas de TB attendus chaque année. (4) En 2022, on dénombrait au Congo, 13 511 nouveaux cas de TB sur 14 450 cas attendus. Parmi eux, 7 602 soit 56% avaient été notifiés et bénéficiés de test VIH. Le pays a bénéficié de l’appui de l’OMS dans l’installation de deux machines Genexpert de diagnostic rapide à Brazzaville et Pointe-Noire, multipliant par huit la rapidité de détection de la maladie et permettant un traitement précoce.

Les indicateurs de suivi utilisés pour évaluer les obstacles liés au genre et aux droits humains concernant la TB sont les suivants:

(i)-Disponibilité, accessibilité, acceptabilité et qualité.

Parmi les obstacles qui empêchent de venir au bout de cette maladie infectieuse et très contagieuse, il y a: l’insuffisance de la couverture des laboratoires, l’accès au service de diagnostic ainsi qu’à une sous-détection de la TB chez des patients à haut risque ainsi que parmi ceux qui se présentent déjà dans les centres de santé. L’approche préconisée par les partenaires, à savoir des services centrés sur le patient, passe par le dépistage systématique de contacts à haut risque, le renforcement des capacités des prestataires des centres de diagnostic et traitement en vue d’intégrer la TB dans le paquet d’activités de santé. (5)

L’accessibilité financière et géographique aux services antituberculeux est freinée par les coûts catastrophiques liés aux frais de consultation pour le bilan initial (examen du crachat par la microscopie ou le GenXpert, consultation et autres examens dont l’IDR…). Les problèmes d’acceptabilité des services se présentent sous diverses formes: stigmatisation, discrimination, auto-stigmatisation des personnes atteintes de TB, isolement des autochtones atteints de

TB pendant une longue période et dans des conditions difficiles par les familles et les communautés, peur et rejet des personnes atteintes de tuberculose en famille, sur le lieu du travail et dans la communauté. Le taux de succès thérapeutique est compris entre 47% et 81% dans les 12 départements du pays avec une moyenne nationale de 64%. Ces faibles performances sont dues à la proportion élevée des patients perdus de vue et/ou non évalués.

(ii)-Réduction de la stigmatisation/ discrimination dans le contexte de la Tuberculose

L’absence d’évaluation sur le terrain ne permet pas d’avoir des évidences diverses sur les lacunes et obstacles programmatiques, juridiques et politiques qui ont un impact négatif sur les populations clés et vulnérables de la tuberculose et les différentes formes de discrimination à l’encontre des personnes atteintes de TB.

(iii)-Éducation juridique (« Connaître ses droits »)

Les populations clés et les communautés affectées ont des connaissances limitées sur leurs droits. Mais aucune activité sur la promotion des droits des patients atteints de tuberculose n’est mise en œuvre.

(iv)- Services juridiques liés à la tuberculose

Très peu d’actions d’assistance juridique pour les victimes de violation des droits dans le contexte du VIH et TB ne bénéficie aux victimes de violation des droits humains. Les personnes touchées par la TB ont un accès limité des services d’aide juridique.

(v)-Sensibilisation des législateurs et agents des forces de l’ordre

Au niveau des chambres du Parlement, il n’existe pas de Caucus des Parlementaires TB pour le plaidoyer et le suivi de décaissement des fonds du gouvernement et renforcer la sensibilisation à l’endroit des législateurs afin de s’engager efficacement dans la protection des personnes touchées.

(vi)-Formation des personnels de santé aux droits de l’homme et à l’éthique médicale liée au VIH

Le personnel de santé est peu ou pas formé sur les questions de genre et la prise en charge centrée sur la personne.

(vii)-Amélioration des lois, des règlements et des politiques liés à la tuberculose

Le pays dispose des documents normatifs qui définissent le cadre d’intervention des acteurs communautaires de terrain. Par ailleurs, la loi et la politique de prise en charge de la TB n’établissent pas de droits ou de mécanismes juridiquement exécutoires permettant aux personnes touchées par la tuberculose de demander réparation en cas de violation des droits et d’autres questions juridiques.

(IX)-Mobilisation et autonomisation des patients et des groupes communautaires

Les organisations de la société civile et d’associations de survivants sont impliquées dans la réponse à la TB. En générale, le rôle de relais communautaires et des agents associatifs consiste à faire la prévention (sensibilisation, communication), l’identification des cas présumés en communauté suivi de la référence, les visites à domicile, le counseling du VIH pour les patients TB. Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de lutte contre la tuberculose le 24 mars 2024, ASCOLUCOTU avait déployé ses membres dans quatre arrondissements de Brazzaville (Makelekele, Bacongo, Poto-Poto et Moungali). En tout 2 438 personnes ont été sensibilisées et 343 personnes avaient manifesté la volonté de se faire dépister au CAT de Brazzaville. Ces missions de terrain avaient consisté à sensibiliser la population sur la tuberculose (mode de transmission, durée de traitement, les symptômes, les centres de prise en charge, la gratuité du traitement antituberculeux…), accompagner les cas présomptifs de la TB vers les centres de prise en charge, réaliser le DOT, la recherche des malades perdus de vue et assurer le suivi thérapeutique des malades.

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Références

1-Source : République du Congo/ Ministère de la Santé et de la Population, «Analyse des obstacles liés aux droits humains et au genre dans l’accès aux services VIH et Tuberculose. Pour la planification des cadres stratégiques nationaux de lutte contre le VIH et la tuberculose CSN 2023-2028», Brazzaville 2023.

2-Selon les estimations de l’ONUSIDA à partir du Spectrum 2022, la prévalence du VIH est estimée à 3,8% parmi les adultes de 15 à 49 ans en république du Congo. Elle est plus élevée chez les femmes (5,64%) que chez les hommes (2,08%). La situation par tranche d’âge de 15 à 24 ans indique que les filles sont plus infectées (3,3%) que les garçons (0,7%).

3-La prévalence est estimée 41,2% % (41,2% en 2017 contre 26,1% en 2012). Les résultats de l’IBBS en 2017 réalisée dans les deux plus grandes villes du pays montrent des disparités géographiques: 35,2% (25,9%-45,9%) à Brazzaville et de 46,8% (36,9% – 57,0%) à Pointe-noire. cf. République du Congo. Cadre Stratégique National de riposte au Sida. (2023-2027). Février 2023, p.14

4-En 2021, le système de surveillance du Congo a notifié 11 980 nouveaux cas et rechutes occasionnant un gap important de 45% des cas attendus. cf Global TB Report 2022.

5-En matière de traitement, prise en charge et soutien de la tuberculose, le Programme National de Lutte contre la Tuberculose déclarait une couverture de traitement de 55%, un taux de succès thérapeutique de 75% dont la plus grande partie des issues non favorables est constitué par des patients perdus de vue.

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